Revues Revue RILEA #3 (2024) Julien GUILLAUMOND, Youssouf SANGARE, Le projet Kee-Shirt, Réflexions sur un jeu de simulation d’entreprise comme substitution à la mobilité étudiante en contexte de pandémie – cas d’étude du semestre 6 à LEA Clermont

Résumé

Dans un contexte marqué par un retour du Covid-19 au cours de l’année universitaire 2020-2021, les responsables pédagogiques de la Licence LEA ont dû réfléchir à la mise en place d’un dispositif pédagogique comme solution alternative à la mobilité internationale et obligatoire des étudiants de 3e année. Dans cet article-témoignage, les auteurs se proposent de revenir sur le choix de ce dispositif de substitution en rappelant le travail d’équipe autour de sa conception, les étapes marquantes de sa mise en œuvre, son évaluation par les étudiants et les perspectives nouvelles que ce dispositif a ouvertes.

Mots clés : Mobilité étudiante ; dispositif ad-hoc ; semestre à l’étranger ; COVID-19 ; jeux sérieux

Abstract

With the return of Covid-19 during the 2020-2021 academic year, the educational team of the BA’s degree in Applied Foreign Languages had to imagine a teaching system which could act as an alternative to the compulsory international mobility of 3rd year students. In this testimonial article, the authors look back at the choice of this alternative system, recalling the teamwork involved in its design, taking stock on its various steps towards its implementation, its evaluation by students and the new perspectives it has opened up.

Keywords: Outgoing mobility; ad hoc teaching system; semester abroad; COVID-19; serious game

Texte

Contexte[1]

La Licence Langues étrangères appliquées (LEA) à l’UFR Langues, Cultures et Communication (LCC), Université Clermont Auvergne (UCA), est organisée autour de cinq semestres de formation au sein de la faculté, et d’un semestre final en mobilité à l’étranger. Obligatoire, ce dernier semestre de formation peut se présenter, selon le choix de l’étudiant(e), sous la forme d’une mobilité interuniversitaire (semestre d’étude en université partenaire) ou d’une mobilité dite professionnalisante (stage de 12 semaines).

Lors de la seconde moitié de l’année universitaire 2019-2020, en raison de la pandémie de Covid-19, la mobilité des étudiants de 3e année a été annulée (Chine par exemple) ou interrompue en cours de semestre (Espagne, Italie), conduisant au rapatriement des étudiants et/ou au confinement avec suivi de cours en distanciel (Russie). L’équipe pédagogique a ainsi dû mettre en place, lorsque c’était nécessaire, un dispositif de substitution afin de permettre aux étudiants de terminer leur année en proposant de travailler sur des rapports de recherche et autres travaux écrits encadrés par les enseignants du département LEA.

Lors de la rentrée universitaire 2020-2021, le contexte demeurait fort incertain. Les établissements d’enseignement supérieur avaient la possibilité d’accueillir de nouveau des étudiants dans le strict respect des règles de distanciation sociale et de port du masque. D’autres dispositions étaient laissées à l’appréciation des universités. Ainsi, l’UCA avait décidé d’échelonner la rentrée des différentes filières pour « accueillir [les] étudiants tout en respectant les règles de distance physique ». Pour la première fois, expliquait alors Mathias Bernard, Président de l’université, les étudiants faisaient même « leur rentrée avant les écoliers, le 31 août ».[2]

Déjà en cette rentrée, les 120 étudiants de LEA 3, impatients de partir pour leur semestre en mobilité, mais profondément inquiets et désireux d’en savoir davantage sur cette période de mobilité qui devait débuter dès janvier 2021, nous pressaient de questions, et souhaitaient savoir si cette mobilité allait avoir lieu. En cette rentrée, nous étions bien incapables de leur répondre. Le Président de l’UCA soulignait bien cette incertitude lorsqu’il déclarait que la difficulté, « c’est le caractère incertain de cette rentrée ». Et d’ajouter, « [c]’est compliqué de s’organiser en sachant que dans deux ou trois semaines, les cours sont susceptibles de basculer en tout distanciel si des cas de Covid apparaissent ».[3] En Licence LEA, les cours de travaux dirigés étaient alors organisés en petits groupes, tandis que les cours magistraux de plus de 60 étudiants passaient en distanciel. D’autres dispositifs tels des cours hybrides étaient également prévus selon les choix pédagogiques des enseignants concernés.[4]

Pour les responsables de formation, se posait alors la question de savoir comment concilier exigence pédagogique et obligation d’un semestre en mobilité internationale en contexte de pandémie, et l’interdiction de se déplacer à l’étranger, ou du moins, l’incertitude quant à de futurs déplacements à l’étranger pour finir l’année universitaire et permettre aux étudiants d’obtenir leur diplôme de Licence LEA.

Dans un premier temps, nous avons décidé de prendre un temps de réflexion et de voir comment la situation était susceptible d’évoluer. En parallèle, nous étions à la recherche de solutions pour anticiper une éventuelle annulation des mobilités, annulation qui ne tarda pas à arriver dès novembre 2020 puisque toute mobilité hors Europe était proscrite, et les mobilités au sein de l’Union européenne fort restreintes, puis annulées.

Dans un tel contexte, quels pouvaient être les dispositifs de substitution au semestre à l’étranger que nous pouvions proposer aux étudiants de 3e année ? Les deux premières alternatives consistaient à 1) demander aux étudiants, comme pour le semestre précédent, de produire un ou plusieurs rapports de recherche, dans la lignée de ce que nous avions mis en place pour celles et ceux qui avaient dû revenir ou interrompre leur semestre en 2019-20, ou 2) proposer des enseignements en langues et en disciplines d’application qui pourraient venir compléter les enseignements dispensés au cours des semestres précédents, en créant ainsi, artificiellement et pour un seul semestre, de nouvelles unités d’enseignements (UE) dans la maquette et en proposant, par exemple, de traiter de diverses thématiques qui pourraient permettre de proposer des enseignements nouveaux, et éviter des redites.

Ces deux premières pistes furent rapidement abandonnées pour de multiples raisons :

  1. les rapports de recherche étaient peu pertinents, trop chronophages en l’état, tant en termes d’encadrement que pour la correction, et ne constituaient qu’une maigre substitution au semestre à l’étranger sans permettre réellement l’évaluation des diverses connaissances et compétences attendues en fin de Licence LEA ;
  2. la perspective d’un nouveau semestre, rattaché aux précédents, semblait trop artificielle ;
  3. enfin, ces propositions n’allaient pas motiver des étudiants qui souhaitaient découvrir autre chose, et qui avaient choisi de suivre la formation LEA Clermont pour l’ensemble des apports et avantages que pouvait offrir un semestre à l’étranger. Beaucoup s’estimaient fort déçus, désespérés, estimant même que leur diplôme allait s’en trouver dévalorisé. Ils furent nombreux à nous dire : « si je ne vais pas à l’étranger, mon diplôme de LEA ne sert à rien ! »

Un autre dispositif devait être proposé, un dispositif qui, sans remplacer l’expérience qu’auraient eue les étudiants en allant à l’étranger, pouvait leur permettre, malgré tout, de passer un semestre 6 stimulant, avec d’autres types de découvertes (pédagogiques) et d’approfondissement de leurs connaissances et compétences. Nos collègues en disciplines d’application avaient évoqué la possibilité d’utiliser un jeu de simulation dans le cadre de futurs enseignements en économie ou en gestion, sans toutefois sauter le pas. Après une démonstration-test en équipe en décembre 2020 et les retours positifs des collègues, nous avons décidé de nous appuyer sur un jeu de simulation pour construire ce semestre de substitution. Le jeu, dont les grandes lignes sont présentées ci-dessous, allait constituer la colonne vertébrale de notre dispositif auquel allaient venir se greffer d’autres activités qu’il nous fallait imaginer.[5]

Présentation du dispositif et des modalités d’évaluation

Choix du jeu de simulation d’entreprise

Figure 1 – Page d’accueil du jeu de simulation d’entreprise (Source : Arkhé, https://www.arkhe.com)

Notre choix s’est porté sur le jeu de simulation d’entreprise, Kee Shirt, proposé par l’entreprise Arkhé[6]. Ce jeu, Kee Shirt, est présenté comme suit par son éditeur[7] :

Les joueurs sont à la tête d’une entreprise qui importe et commercialise des tee-shirts. Dans un contexte de commerce équitable, les décisions commerciales doivent être prises en cohérence avec une stratégie, de la qualité des matières premières jusqu’aux canaux de distribution.

Les objectifs pédagogiques sont les suivants :

  • Déchiffrer et analyser les documents comptables de synthèse,
  • Savoir interpréter les documents d’études commerciales (parts de marché, coefficients saisonniers).
  • Faire émerger les problématiques d’approvisionnement et de commercialisation.
  • Hiérarchiser les problèmes et les formaliser afin de rationaliser les choix stratégiques d’achats et de ventes.
  • Savoir créer des synergies dans une équipe dirigeante, savoir écouter, proposer, négocier.

Construction du dispositif pédagogique autour du jeu de simulation d’entreprise

A partir donc des objectifs pédagogiques que nous offre le jeu Kee Shirt, il fallait construire un dispositif pédagogique incluant nos propres attentes en fin de LEA, notamment des compétences communicationnelles avancées dans deux langues étrangères, la capacité à mettre en pratique les compétences acquises dans les disciplines d’application (DA), l’utilisation d’outils numériques et la rédaction régulière de rapports d’activité. A cette intention, nous avons organisé plusieurs réunions avec l’équipe pédagogique (entre décembre 2020 et janvier 2021) pour, notamment, 1) faire connaître le jeu, le tester entre enseignants et tenter d’élaborer un semestre de formation, et 2) répondre aux (fortes) réticences / questions nombreuses de collègues (notamment sur la place des langues).

De ces réunions et des contraintes budgétaires, nous avons décidé de faire du jeu de simulation d’entreprise un “prétexte pédagogique” permettant de faire réaliser aux étudiants des défis à visée éducative. Ces défis pédagogiques devaient s’étaler sur 7 semaines (durée du jeu) et porter à la fois sur les compétences en DA et en langues. Ainsi, nous avons élaboré un planning du jeu de simulation d’entreprise pour les 7 semaines avec, pour chaque semaine, des défis à réaliser par les étudiants. 70 étudiants, de différentes LVB, s’étaient inscrits pour suivre ce semestre alternatif. Ils furent répartis en 11 équipes (ou 11 entreprises en compétition), avec 4 LVB différentes en moyenne par équipe (voir figure 2, répartition ci-dessous).

 

Figure 2 – Effectif et répartition des étudiants par LVB (Source : J. Guillaumond et Y. Sangaré)

La construction des équipes fut précédée de la mise sur pied d’une équipe pédagogique de suivi, et l’élaboration d’un planning hebdomadaire sur les 7 semaines du jeu de simulation. Pour le suivi régulier, voire quotidien des équipes, nous avons cherché à sortir du cadre des rapports traditionnels entre enseignants et étudiants. Ainsi, les enseignants assurant ce suivi étaient désignés comme les “Personnes ressources/Consultants”, c’est-à-dire des “experts” capables d’éclairer les prises de décision que les équipes allaient devoir faire au niveau comptable, RH, marketing, approvisionnement, et dans le cadre des échanges avec les fournisseurs (dans différentes langues). Le tableau ci-dessous présente ces “Personnes ressources/Consultants”, avec les domaines de compétence de chacun. Comme on peut le remarquer, si certains collègues intervenaient en tant qu’experts en DA ou en langues, d’autres étaient chargés du pilotage de la plateforme mise à disposition par le fabricant du jeu de simulation d’entreprise[8].

Tableau 1 – Rôles et répartition de l’équipe (source : J. Guillaumond et Y. Sangaré)

FonctionCollègueDomaine de compétence
ConsultantCollègue 1Stratégie commerciale
ConsultantCollègue 2Gestion équipe
ConsultantCollègue 3Comptabilité
ConsultantCollègue 4Juridique
Consultant Langue ACollègue 5LVA Anglais
Consultant Langue BCollègue 6LVB Allemand
Consultant Langue BCollègue 7LVB Arabe
Consultant Langue BCollègue 8LVB Chinois
Consultant Langue BCollègue 9LVB Espagnol
Consultant Langue BCollègue 10LVB Italien
Consultant Langue BCollègue 11LVB Portugais
Consultant Langue BCollègue 12LVB Russe
Formateur 1Collègue 14Méthodologie du travail de recherche et interculturalité
Formateur 2Collègue 15Principes du management des organisations
Pilotage général plateforme ArkhéCollègue 16
Animation semestreCollègue 17
Suivi S6 Clermont – Projet ArkhéCollègue 18Compte rendu activités – Minutes
Suivi S6 Clermont – Projet ArkhéCollègue 19Suivi équipe – debriefing hebdomadaire
Suivi S6 Clermont – Projet ArkhéCollègue 20Encadrement projet recherche

En ce qui concerne l’élaboration d’un planning hebdomadaire sur les 7 semaines du jeu de simulation, nous sommes partis d’une idée simple. Pour nos 11 équipes/entreprises, chaque semaine devait être régie par des tâches diverses et variées comme au sein d’une “vraie” entreprise :

  • des temps de travaux collectifs (pour préparer les rencontres avec les experts ou réaliser les défis de la semaine[9]) ;
  • des réunions d’équipe (pour prendre des décisions collégiales à la suite des rencontres avec les experts[10]) ;
  • des rendez-vous précis (où chaque équipe devait enregistrer ses décisions, déposer ses réalisations et son rapport d’activité hebdomadaire en anglais[11]).

Pour illustrer cette animation, voici les plannings des semaines 1 et 7 du jeu de simulation d’entreprise :

Tableau 2 – Planning du jeu, semaines 1 et 7 (source : J. Guillaumond et Y. Sangaré)

Outre ces tâches et rencontres hebdomadaires, nous avons pensé qu’il fallait proposer, chaque semaine, des défis à réaliser par les équipes. Une seule règle nous a guidé dans la conception de ces défis : faire appel aux connaissances et compétences de nos étudiants en matière de DA, de langues et de maîtrise des outils informatiques. Ainsi, la palette de défis proposés se veut la plus diverse possible, comme on peut l’observer ci-dessous :

Tableau 3 – Liste des défis par semaine de jeu (source : J. Guillaumond et Y. Sangaré)

 

Modalités d’évaluation

L’évaluation des étudiants ayant participé à ce dispositif pédagogique (en lieu et place d’un semestre à l’étranger) comportait deux volets :

  1. une évaluation collective et individuelle dans le cadre du jeu de simulation d’entreprise, et
  2. une évaluation des travaux de recherche et des bilans de professionnalisation. Il s’agit de productions écrites que nous avons demandées aux étudiants, avec un tuteur désigné pour chacun.

Dans le cadre de cet article, nous nous limiterons aux détails des modalités d’évaluation collective et individuelle en lien avec le jeu de simulation d’entreprise. A ce propos, voici le tableau récapitulatif communiqué aux étudiants et détaillant ces modalités.

Dates de la soutenance collective et individuelle8 et 9 avril 2021
ModalitésSoutenance collective et individuelle devant un jury composé des membres de l’équipe pédagogique, précédée d’une remise des travaux individuels (voir ci-dessous)
Durée20 min. pour la soutenance collective
Attendus individuels

 

A remettre au plus tard le 3 avril 2021

A partir de son expérience du jeu de simulation Arkhé et du travail en équipe, l’étudiant(e) devra :

●      faire, dans une vidéo (en français), un bilan personnel du semestre en insistant sur son rôle dans l’équipe, sa participation au projet ainsi que sur les compétences et les connaissances mobilisées et développées (au regard des langues étrangères et des disciplines d’application). Dans ce cadre, il s’appuiera sur son journal de bord hebdomadaire. Cette vidéo doit respecter la structure suivante :

(1) vous mentionnerez vos noms, prénoms et équipe.

(2) vous répondrez, en 2 min (maximum), aux questions suivantes : Quel fut votre rôle au sein de votre équipe ? Pourquoi ce rôle ? Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer ? Quelles solutions avez-vous pu mettre en place ? Votre attention pourra aussi porter sur la dimension relationnelle ou communicationnelle (liens dans l’équipe, communication entre membre et/ou avec les consultants, etc.)

(3) vous répondrez, en 2 min (maximum), à la question suivante :  Quel regard portez-vous sur votre participation à ce projet collectif (en termes d’apprentissages, de travail, etc.) ? Mentionnez un élément de ce semestre dont vous n’êtes pas satisfait et un autre dont vous êtes satisfait, en expliquant pourquoi.

●      chaque étudiant(e) devra aussi remplir un questionnaire d’évaluation de ses compétences qui pourra servir au jury lors de la soutenance.

Attendus collectifsLors d’une soutenance collective*, chaque équipe devra :

●      présenter son entreprise (organigramme, rôle de chaque membre), les stratégies commerciales ainsi que les résultats obtenus. Cette présentation, de 5 min maximum, sera faite en anglais et en LVB non-débutantes.

●      réaliser un portfolio commenté**, en français, comprenant l’ensemble des travaux réalisés dans le cadre des différents défis. Au cours de la présentation, les membres de l’équipe mettront l’accent sur une des réalisations dont ils sont les plus fiers, et une des réalisations dont ils sont le moins satisfaits. Les étudiants pourront aussi être amenés à proposer une analyse succincte des résultats de leur entreprise sur les 7 semaines du jeu en s’interrogeant, par exemple, sur sa rentabilité.

 

*Cette soutenance sera réalisée devant un jury composé des membres de l’équipe pédagogique et sera d’une durée de 15 min.

** Le portfolio ne sera pas une simple présentation oralisée des réalisations, mais devra montrer que les étudiants sont capables de prendre une certaine distance (y compris critique) sur leurs différentes productions (cohérence des différents supports, progression dans la maîtrise des outils, etc.).

 

15 minutes seront ensuite consacrées à des questions collectives et/ou individuelles par les membres du jury.

Notation●      Note prestation individuelle + note collective (50% note finale)

●      Notes sur les travaux collectifs (50% note finale) comprenant l’ensemble des réalisations

Source : J. Guillaumond et Y. Sangaré

Retours étudiants/équipe pédagogique

Dans leur grande majorité, les étudiants ont beaucoup apprécié ce nouveau dispositif. Ils se sont réellement pris au jeu, et ont défendu les intérêts de leur entreprise puisque le jeu et les différentes missions nécessitaient une réelle responsabilisation et une démarche de travail collaborative. Ce semestre leur a ainsi permis de mettre en application des connaissances vues en cours lors des semestres précédents, tout en leur permettant d’acquérir une semi-expérience professionnelle et de développer davantage leur autonomie. Dans l’ensemble, ce semestre a aussi permis aux étudiants de réfléchir davantage à leur projet professionnel, et de cerner également les connaissances et compétences qui pouvaient encore leur faire défaut. Bien que l’expérience n’ait pas permis de compenser totalement un semestre à l’étranger, en mobilité interuniversitaire ou professionnalisante, le projet Kee Shirt leur a permis de travailler sur tout un ensemble de compétences, que ce soit la gestion des commandes, la logistique, la négociation, la rédaction de divers supports de communication en anglais et dans leur langue B, etc. Les étudiants ont relevé une difficulté majeure : le travail à distance, rendu obligatoire lors du second confinement au printemps 2021, qui a constitué un frein, surtout pour les réunions en équipe.

Au sein de l’équipe pédagogique, les retours ont également été positifs dans l’ensemble, même si le projet a parfois suscité des interrogations quant à la place des langues, en LVB notamment, ou à l’équilibre entre ce qui relevait des disciplines d’application que sont, d’un côté, la gestion, le commerce ou le droit, et de l’autre, les langues[12].

Perspectives

Le projet Kee Shirt a permis de proposer un semestre de substitution cohérent et réfléchi aux étudiants de LEA 3 privés de mobilité internationale en fin de cursus. En ce sens, ce projet a offert une alternative pédagogique dynamique, intéressante et innovante, permettant aux étudiants de développer un ensemble de connaissances et compétences en contexte professionnel appartenant au registre des attendus en fin de Licence LEA.

Avec le recul, le projet a également constitué une démarche formatrice pour ses concepteurs et animateurs qui ont dû réfléchir aux compétences en LEA et à leur développement à partir d’un jeu de simulation, et qui ont dû mettre le tout en musique en coordonnant l’ensemble avec le concours des autres intervenants. En ce sens, cette expérience a permis d’avancer davantage, au sein du département LEA, dans les réflexions visant à promouvoir une plus grande coopération entre les enseignants de langues (anglais, LVB) et de disciplines d’application, et une plus grande transversalité des enseignements dispensés en Licence LEA.

Enfin, ce projet a permis de proposer une version simplifiée du dispositif dans la maquette de la nouvelle offre de formation avec son intégration dans le tronc commun au semestre 5 de l’année 2021-2022, et la création d’un premier module de découverte au semestre 4 pour les étudiants de 2e année.

NOTES

[1] Les auteurs remercient l’UFR Langues Cultures et Communication (LCC) pour son soutien financier pour le projet, ainsi que tous les membres de l’équipe pédagogique du département LEA qui ont bien voulu participer à ce projet.

[2] Ouest France, « Rentrée inédite pour les universités après six mois de fermeture », 4 septembre 2020 [https://www.ouest-france.fr/education/etudiant/universites/rentree-inedite-pour-les-universites-apres-six-mois-de-fermeture-6960538].

[3] Ibid.

[4] Nicolas Faucon, « Entre inquiétude et volonté de vivre comme avant, la rentrée universitaire chamboulée de la génération Covid à Clermont-Ferrand », 24 septembre 2020 [https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/entre-inquietude-et-volonte-de-vivre-comme-avant-la-rentree-universitaire-chamboulee-de-la-generation-covid-a-clermont-ferrand_13840320/]

[5] Notons au passage que bien que risquée, l’entreprise avait également l’avantage de pouvoir tester un nouveau dispositif pédagogique et d’évaluer ses perspectives de développement dans le cadre de la nouvelle offre de formation.

[6] https://www.arkhe.com/

[7] https://www.arkhe.com/nos-jeux/keeshirt/

[8] Ce dispositif pédagogique alternatif ne se limite pas au seul jeu de simulation d’entreprise. Le dispositif incluait aussi la réalisation, par les étudiants, de travaux de recherche. Dans ce cadre, chaque étudiant était suivi individuellement par un tuteur auquel il devait soumettre, pour validation, une problématique pour son travail de recherche. Les thèmes conseillés pour ces travaux de recherche étaient assez divers : des défis du commerce équitable aux questions écologiques, dans une approche globale ou spécifique à une entreprise en particulier. Quel que soit le thème choisi, il fallait mettre en lumière au moins trois aspects : communicationnel, économique, environnemental, politique, etc. C’est ainsi qu’un collègue fut chargé de faire une intervention intitulée “Méthodologie du travail de recherche et interculturalité”, cela afin de les initier à l’écriture d’un travail de recherche. De même, afin de permettre à nos étudiants, participant au jeu de simulation d’entreprise, d’avoir une meilleure connaissance en matière de management, un collègue fut chargé d’une série d’interventions intitulée “Principes du management des organisations”.

[9] Voir ci-dessous.

[10] Expert : un expert désigne un membre de l’équipe pédagogique intervenant, dans le cadre du jeu, sur un point précis auprès des équipes. Les experts constituent les “Personnes ressources/Consultants” évoquées précédemment.

[11] Au cours de la première semaine du jeu, un collègue était intervenu auprès des étudiants sur la rédaction, en anglais, d’un rapport d’activité. Intervention intitulée “Writing minutes”.

[12] De telles questions se posent dans la mesure où la formation de Licence LEA à Clermont-Ferrand s’articule autour de l’équilibre entre trois pôles que sont l’anglais, la deuxième langue vivante et les disciplines d’application. C’est d’ailleurs en raison de cette spécificité clermontoise que le projet a pu voir le jour et fonctionner.

Auteurs

Julien GUILLAUMOND

Université Clermont Auvergne

julien.guillaumond @ uca.fr

Youssouf SANGARE

INALCO

youssouf.sangare @ inalco.fr

 

Références

Pour citer cet article :

Julien GUILLAUMONDYoussouf SANGARE - "Julien GUILLAUMOND, Youssouf SANGARE, Le projet Kee-Shirt, Réflexions sur un jeu de simulation d’entreprise comme substitution à la mobilité étudiante en contexte de pandémie – cas d’étude du semestre 6 à LEA Clermont" RILEA | 2024, mis en ligne le 19/12/2024. URL : https://anlea.org/revues_rilea/julien-guillaumond-youssouf-sangare-le-projet-kee-shirt-reflexions-sur-un-jeu-de-simulation-dentreprise-comme-substitution-a-la-mobilite-etudiante-en-contexte-de-pandemie-cas-detude-du/