Revues Revue RILEA #1 (2022) Garik Galstyan, L’écologie en Arménie, Le lac Sevan et l’émergence du mouvement écologiste

Références

Garik Galstyan, L’écologie en Arménie, Le lac Sevan et l’émergence du mouvement écologiste, Paris : L’Harmattan, 2020, 264 p., ISBN : 978-2-343-17982-7, 27 euros.

Texte

L’écologie en Arménie, Le lac Sevan et l’émergence du mouvement écologiste est un ouvrage riche et passionnant paru aux éditions L’Harmattan, en 2019, écrit par Garik Galstyan, maître de conférences en civilisation russe à l’Université de Lille et dont l’avant-propos a été rédigé par Dr Sc. Ara Avagyan. L’auteur est titulaire d’une thèse sur « la géopolitique de la Russie dans la région caspienne », conduisant à une première publication en langue française (L’Harmattan, 2007), qui nous montre l’évolution des intérêts de la Russie dans cette région.

Ce second ouvrage nous plonge au cœur d’un petit pays, l’Arménie, ancienne république soviétique, au carrefour des civilisations de l’Asie et de l’Europe.

Véritable mer intérieure, le lac Sevan, représente pour le marz (région) de Gegharkunik, dans le Sud-Caucase où il se situe, comme pour tout le pays, un atout majeur. Réservoir naturel d’eau douce, le lac a constitué une richesse écologique et économique. Placé à quelques 1 900 mètres d’altitude, le lac est un site d’exception qui inspire de nombreux projets notamment scientifiques et technologiques, au risque parfois du respect de son environnement voire même au péril de son intégrité environnementale. Il faut attendre la chute du communisme pour que l’ambition démesurée de l’homo sovieticus disparaisse et qu’émergent des projets plus réfléchis, voire éco-responsables à une époque plus récente.

L’auteur revient ainsi sur l’histoire du lac, riche et complexe du fait de sa situation géographique au cœur du bassin indo-européen, berceau de toutes les civilisations. Si ses études scientifiques restent relativement récentes et si l’exploration de ses fonds est aujourd’hui encore très limitée, le lac Sevan a inspiré et attisé la curiosité de nombreux écrivains, voyageurs, explorateurs depuis le XIXe siècle principalement, dont on retrouve dans cet ouvrage tantôt les portraits ou les quelques mots poétiques écrits en l’honneur de sa beauté et de ses mystères.

Mis à mal par l’utilisation de ses eaux à des fins anthropiques principalement agricoles et énergétiques, le lac Sevan a subi des aménagements techniques, notamment après la révolution d’octobre 1917 perturbant progressivement l’écosystème, appauvrissant la biodiversité et qui, sans leur suspension dans l’urgence, eurent conduit à une catastrophe écologique irréversible. Après la dissolution de l’URSS et la proclamation de l’indépendance de l’Arménie (1992-1995), le lac a connu une nouvelle baisse drastique du niveau de ses eaux. Les causes sont multifactorielles mais on comprend que l’industrialisation a contribué fortement au mésusage du lac et à sa pollution. L’utilisation barbare des ressources hydrauliques pour l’implantation de multiples petites centrales hydroélectriques dans tout le pays est aujourd’hui une des raisons de l’assèchement catastrophique des sols.

Restituer au lac sa surface originelle, limiter l’exploitation intensive de la réserve d’eau qu’il constitue, préserver la dégradation de son site ont conduit à une lutte sans précédent au XXe siècle pour le sauvetage du lac Sevan. Les enjeux en termes de développement économique du pays ont placé le lac au cœur de tous les intérêts politique, économique, écologique… Exploité à des fins de production agricole, piscicole, énergétique, il faut attendre 2001 pour qu’enfin des lois soient adoptées envisageant sa préservation, sa réhabilitation et sa régénérescence.

Aujourd’hui confrontée au réchauffement climatique qui nous menace à des degrés divers, l’Arménie hérite d’une situation où la préservation de l’eau du lac devient l’atout principal de sa survie. Une bonne gestion de ses eaux permettrait au pays, voire à toute la région du Sud-Caucase, de se doter d’une eau douce, exploitable et de qualité. Seule une bonne politique environnementale contribuera au revirement écologique essentiel et substantiel pour ce petit pays trop longtemps malmené.

Si les gouvernants se voient capables de relayer et d’écouter la parole qui s’est libérée dans le pays dès la perestroïka (1985) et de se responsabiliser à l’égard des questions environnementales, on comprend que l’Arménie y gagnera fortement. L’identité nationale passe aujourd’hui par la préservation de son territoire et tout l’enjeu de sa valorisation relève de cette éco-responsabilité au cœur de toutes les tensions dans le monde contemporain.

Quand le militantisme environnemental sera appuyé par l’activisme et le courage politique, l’Arménie pourra alors relever haut la tête, triomphant ainsi de son histoire et d’un destin trop longtemps malmené.

L’ouvrage de Garik Galstyan a cela d’intéressant qu’il replace au cœur de l’histoire de son pays le respect essentiel et vital de la nature et de l’environnement. Le lac Sevan pourrait à lui seul cicatriser les blessures de son histoire, car comme le rappellent les mots de la poétesse Silva Kaputichian, il est le dépositaire d’une mémoire plus ancienne que celle des hommes :

« Et imaginez
Que pendant des millions de siècles,
Le Sevan était ainsi des siècles durant, était « lui-même »
Avant même qu’il ne soit nommé Sevan »

Auteurs

Sophie GONDOLLE, Université de Bretagne Occidentale, Centre d’Etude des Correspondances et Journaux Intimes, Brest, sophie.gondolle @ univ-brest.fr

Références

Pour citer cet article :

Sophie GONDOLLE - "Garik Galstyan, L’écologie en Arménie, Le lac Sevan et l’émergence du mouvement écologiste" RILEA | 2022, mis en ligne le 24/05/2022. URL : https://anlea.org/revues_rilea/garik-galstyan-lecologie-en-armenie-le-lac-sevan-et-lemergence-du-mouvement-ecologiste/

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