Revues Revue RILEA #2 (2023) Adam WILSON, Deux faces d’une même pièce ? Vers des passerelles entre la sociolinguistique et les langues étrangères appliquées

Résumé

L’objectif de cet article est d’étudier les apports potentiels de la sociolinguistique pour les formations en LEA. Prenant appui sur différentes études de terrain effectuées dans des milieux professionnels souvent investis par des personnes diplômées en LEA, le texte vise à montrer en quoi certains outils conceptuels et méthodologiques de la sociolinguistique permettent, d’une part, une analyse fine des aspects discursifs de la communication externe et, d’autre part, une appréhension de la gestion des langues et du multilinguisme dans ces contextes. Ces explorations alimentent un plaidoyer pour l’intégration d’outils sociolinguistiques au sein du mille-feuille pluridisciplinaire qui caractérise les langues étrangères appliquées.

Mots-clefs : LEA, sociolinguistique, part langagière du travail, communication externe, plurilinguisme

 

Abstract

The aim of this article is to examine potential contributions that sociolinguistics could make within university courses in Applied Foreign Languages (LEA). Based on fieldwork carried out in workplaces often targeted by LEA graduates, this study aims to show how certain concepts and methods from sociolinguistics allow for, on the one hand, detailed analysis of the discursive aspects of external communication and, on the other hand, an understanding of language management and multilingualism in these contexts. These explorations lead to a plea for integrating sociolinguistic tools into the pluridisciplinary dynamics of LEA courses.

Keywords: LEA, sociolinguistics, language part of work, external communication, plurilingualism

 

 

Texte

 

Introduction

Dans l’ordre des choses, et par rapport à des formations plus « traditionnelles », la filière Langues Étrangères Appliquées (LEA) constitue un développement relativement nouveau dans le paysage universitaire. Développée dans les années 70 comme un choix alternatif aux formations de langues « traditionnelles » en LLCE(R), la filière se donnait alors pour objectif la création d’une « formation professionnalisante, interdisciplinaire incluant deux langues étrangères permettant de fonctionner efficacement en entreprise, et des matières appliquées sans mention précise »[1]. Ces matières d’application comprennent souvent des cours d’économie, de gestion, de commerce, de marketing, de droit, etc. Depuis sa naissance, la filière LEA a connu une croissance importante et figure aujourd’hui parmi les formations universitaires les plus populaires en France[2].

Au vu de sa pluridisciplinarité, de sa naissance (relativement) récente et de sa variabilité d’une université à une autre, la filière LEA, contrairement à certaines autres formations, n’est pas adossée à un champ de recherche défini et délimité qui porte le même nom. Nous trouvons donc plutôt une situation dans laquelle des enseignants-chercheurs dispensant des cours en LEA proviennent de disciplines de recherche très diverses, toutes ayant leurs traditions, pratiques, questions et méthodologies différentes. Des spécialistes de différentes langues – et de différents aspects de ces langues : linguistique, civilisation, traduction etc. – enseignent aux côtés de spécialistes des différentes matières d’application mentionnées plus haut. Les enseignants-chercheurs qui interviennent en LEA portent donc souvent une « double casquette » dans le sens où leurs enseignements peuvent parfois être détachés de leurs thématiques de recherche (et l’échelle de ce détachement peut également être très variable).

Je fais partie de ces enseignants-chercheurs « à double casquette ». De plus, en tant que chercheur formé en sociolinguistique (et plus généralement en sciences du langage), je représente une discipline scientifique typiquement peu présente dans les formations en LEA. Cependant, malgré cela, le décalage qui existe entre mes enseignements et mes sujets de recherches est, en réalité, réduit. Au contraire, bien que peu représentée au sein de la filière, la sociolinguistique constitue à mon avis un domaine plus que pertinent pour la LEA[3], que ce soit pour l’enseignement / apprentissage contextualisé de langues dites étrangères, ou pour faire le pont entre les matières de langue et les matières d’application. Ce sont ces arguments que je souhaite mettre en avant dans cet article qui vise donc à explorer la pertinence des recherches en sociolinguistique (et ses disciplines connexes) pour les formations en LEA. Il s’agit donc d’une proposition modeste d’intégrer la sociolinguistique au sein du mille-feuille disciplinaire qui fait la force de la LEA.

Dans ce qui suit, je commence par une présentation rapide de la sociolinguistique, mettant l’accent sur les points communs, aspects pertinents et passerelles possibles entre cette discipline et la LEA. Par la suite, j’aborde brièvement les approches théoriques et méthodologiques qui sous-tendent mes propres travaux en sociolinguistique, soulignant en quoi ces ancrages permettent d’appréhender la « part langagière du travail »[4] dans des contextes professionnels similaires à ceux investis par des personnes diplômées en LEA. Ensuite, je pars de mes propres recherches afin d’examiner la pertinence de l’étude sociolinguistique des milieux concernés pour la LEA. J’aborde en premier lieu certains aspects de la communication externe avant de me tourner vers la gestion des langues et du multilinguisme en milieu professionnel. Ces analyses alimentent un plaidoyer pour l’ouverture d’un dialogue entre la sociolinguistique et les formations en LEA. L’objectif de ma démarche est de montrer en quoi la sociolinguistique pourrait mieux répondre aux besoins des étudiants en LEA et faire progresser ces derniers, tout en promouvant un regard critique sur ces besoins, sur la formation et sur l’intégration du monde du travail.

LEA et sociolinguistique : un parallélisme sans contact ?

Sur le papier, la LEA et la sociolinguistique (désormais SL) semblent être faites l’une pour l’autre. En effet, certains éléments fondamentaux communs se trouvent à la fois au cœur de la SL, comme domaine de recherche, et au centre de la LEA, comme formation universitaire. Cependant, malgré leurs points communs, les rapprochements entre la SL et la LEA demeurent rares. Dans une tentative d’identifier des passerelles possibles, je présente brièvement ici la SL, en la mettant en lien avec les formations en LEA.

Domaine scientifique dynamique, établi dans le paysage académique depuis les années 60, la SL et son histoire ne peuvent pas être exposées de manière détaillée dans ce court article. De manière (trop) simpliste, la SL peut être définie comme « l’étude du langage dans ses contextes sociaux et l’étude de la vie sociale à travers la linguistique »[5]. Il convient de noter que la « sociolinguistique » ne constitue pas le seul champ scientifique qui œuvre dans cette direction, il en va de même pour la linguistic anthropology[6], pour certaines approches en analyse du discours, en analyse conversationnelle ou en pragmatique, entre autres. J’emploie donc ici le terme « sociolinguistique » de manière inclusive vis-à-vis de cet ensemble de champs voisins. Vue de cette manière, la SL déploie des méthodes, développe des outils et aborde des thématiques, questions et terrains avec une pertinence directe pour la LEA.

Tout d’abord, tout comme les formations en LEA, la SL est une entreprise résolument pluri-/ interdisciplinaire. La discipline est née de croisements entre linguistique, sociologie et anthropologie[7] et emprunte souvent des éléments à la philosophie, à la géographie ou à l’économie politique[8]. Cette interdisciplinarité imprègne toute pratique de recherche en SL, tout comme la pluridisciplinarité imprègne toute formation en LEA (bien que les disciplines convoquées ne soient pas (entièrement) partagées).

En outre, tout comme en LEA, des questions d’interculturalité (ou de intercultural communication[9]) se trouvent souvent au cœur des recherches en SL[10]. Le même constat peut être fait vis-à-vis d’un intérêt particulier pour des questions de multi-/ plurilinguisme, que ce soit au niveau de la gestion des contacts de langues à travers des politiques linguistiques[11], des pratiques langagières de communautés multi-/ plurilingues[12] ou des pratiques plurilingues de locuteurs et leurs évolutions en lien avec des changements socio-économiques[13].

Cependant, ce qui constitue peut-être le point de rapprochement le plus important entre les recherches en SL et les formations en LEA est la place cruciale accordée à l’étude des pratiques langagières en contexte(s). Il s’agit d’un aspect fondamental d’une majorité écrasante de travaux en SL, reflété par des approches méthodologiques qui privilégient souvent des recherches effectuées in situ, sur le terrain. Bien que les terrains abordés en SL soient très variés, les milieux professionnels – et le travail plus généralement – ont constitué un objet important des recherches sociolinguistiques depuis de nombreuses années (notamment grâce aux travaux de Josiane Boutet dans le monde francophone[14] et Janet Holmes dans le monde anglophone[15]). En milieu francophone, ces travaux ont mené au développement de la notion de la « part langagière du travail »[16], un concept qui permet d’observer, analyser et théoriser la place du langage dans différentes activités professionnelles. Ce concept permet de rendre compte de la manière dont les activités langagières (ou plus largement communicationnelles) sont devenues la partie principale de bon nombre de métiers de nos jours. Les travaux de J. Boutet montrent en quoi cette part langagière a évolué dans le temps, passant de contextes où la communication au travail était interdite (au sein d’un travail à la chaîne, par exemple) à une situation aujourd’hui où les pratiques langagières et communicationnelles deviennent des activités centrales au travail :

Les évolutions contemporaines du travail et la profonde restructuration du contenu même du travail ont fait émerger une dimension symbolique de cette activité, tant dans les activités de lecture, d’écriture que de communication orale entre salariés. C’est en ce sens que j’ai proposé de parler de « la part langagière du travail ». Cette sémiotisation du travail peut s’observer dans de très nombreuses situations et elle est caractéristique des différents métiers des services. Différents corpus, faits à la fois d’observation de l’activité et d’enregistrement des verbalisations, ont été étudiés afin de mettre en évidence cette composante sémiotique de l’activité.[17]

La LEA est clairement concernée par ces évolutions dans le sens où les milieux professionnels investis par des personnes diplômées en LEA constituent des contextes où la composante sémiotique de l’activité professionnelle est quasi-totale. Le travail effectué dans ces milieux est avant tout un travail de communication et de langage, souvent multi- / plurilingue. Autrement dit, les étudiants en LEA se forment pour devenir des « travailleurs du langage »[18].

Parmi les différents corpus (ou contextes) étudiés que Boutet évoque plus haut, un certain nombre d’études ont une pertinence directe pour la LEA. En effet, plusieurs travaux en SL ont été effectués dans des contextes qui figurent parmi les débouchés les plus courants de la formation : salons commerciaux[19], milieux touristiques[20], centres d’appels de service client[21], entreprises multinationales[22], pour ne citer que quelques exemples. Ces études décrivent et théorisent la part langagière du travail dans ces milieux, explorant également l’impact que ces dynamiques langagières peuvent avoir non seulement sur l’activité de travail en soi mais aussi sur les vies et identités professionnelles et personnelles, individuelles et collectives.

En somme, la SL est un champ interdisciplinaire équipé pour analyser de manière fine les pratiques langagières en milieux professionnels caractérisés par leur dimension multi- / plurilingue et / ou multi-/interculturelle. L’intérêt pour la LEA va presque sans dire : il s’agit d’explorer, par le biais du langage, les situations professionnelles qui constituent souvent des destinations pour les étudiants en LEA. Cependant, malgré ce potentiel apparent, très peu de passerelles ont été proposées pour relier les recherches en SL aux formations en LEA. Je propose donc, dans ce texte, de détailler quelques apports potentiels de la recherche sociolinguistique pour l’enseignement en LEA, commençant par une exploration de l’ancrage méthodologique de la SL.

Sociolinguistique et LEA : un rapprochement par le(s) terrain(s) ?

Comme toute discipline scientifique, la SL s’appuie sur un socle théorique et méthodologique commun, même si, également comme toute discipline scientifique, il existe une multitude d’approches qui découlent de ce socle commun[23]. Cependant, parmi cette diversité d’approches, l’enquête de terrain a une place privilégiée en SL, définie comme une « démarche très concrète où l’on se déplace vers un lieu et vers des êtres humains plus ou moins éloignés, géographiquement, socialement, linguistiquement »[24]. Les enquêtes de terrain en SL s’appuient très souvent sur une approche qui se caractérise par certains éléments centraux qu’il convient de détailler brièvement ici.

Tout d’abord, les enquêtes de terrain en SL relèvent d’une approche « empirico-inductive »[25], où le chercheur se laisse guider dans ses analyses par le terrain, par les données récoltées, par les observations entreprises[26]. Ainsi, au niveau des méthodes, les enquêtes de terrain en SL ont tendance à se dérouler sur le temps long et à mobiliser des techniques telles que l’observation directe / participante, les entretiens, les questionnaires, l’analyse textuelle des documents, l’enregistrement audio / vidéo, etc. Ces données sont ensuite analysées dans une approche que l’on peut qualifier d’interprétative, le but n’étant pas d’établir des relations strictes de cause à effet, mais de « donner du sens à des événements spécifiques »[27]. Autrement dit, il s’agit de « relier la description et l’analyse des pratiques langagières spécifiques à des moments historiques et socialement bien situés, à une description, une interprétation et une explication qui tiennent compte des dynamiques sociales à plus grande échelle »[28]. L’approche est donc résolument située et qualitative, ayant pour objectif d’explorer les rapports entre phénomènes langagiers et phénomènes socio-culturels (ou professionnels, politiques, etc.). Par ailleurs, comme la citation de Heller supra donne à voir, ces travaux ont souvent une dimension « critique » dans le sens où ils adoptent une approche « capable de révéler quels intérêts sous-tendent les actions, les représentations et les discours »[29].

Cette description de l’approche théorique et méthodologique de la SL résume bien la manière dont j’aborde les terrains qui m’intéressent et les questions que je me pose dans mes recherches. En ce qui concerne les terrains, j’ai exploré (et je continue à explorer) plusieurs contextes professionnels en lien direct avec les formations en LEA. Mon premier domaine de prédilection a été le tourisme et j’ai effectué plusieurs études de terrain au sein d’institutions, attractions et lieux touristiques à Marseille, en Lorraine et en Alsace. Dans ces études, je mobilisais les méthodes évoquées plus haut afin d’explorer la part langagière du travail dans ces milieux. Cette exploration s’est poursuivie selon deux axes :

1) L’un des aspects centraux de la part langagière du travail en milieu touristique est la mise en scène (symbolique) d’un lieu, d’un monument, d’un événement, etc. en tant qu’attraction ou destination touristique. Le langage, les langues et les discours, ainsi que d’autres ressources sémiotiques, jouent un rôle fondamental dans ce processus[30]. Par conséquent, le maniement de ces outils langagiers, sémiotiques et communicationnels constitue un aspect central du travail dans ce milieu. Dans mes travaux, il s’agissait donc d’étudier les manières dont ces ressources langagières, discursives et sémiotiques étaient déployées dans diverses activités de travail : interactions entre touristes et professionnels du tourisme, élaboration de documentation, de publicités, de sites web, communication sur les réseaux sociaux, etc.

2) Le deuxième axe de mes recherches dans ces contextes touristiques abordait les manières dont les contacts de langues et le plurilinguisme inhérents à ces milieux faisaient l’objet d’un aménagement, d’un management ou d’une gestion. Il s’agissait d’interroger les politiques linguistiques des milieux touristiques en ce qui concerne les choix de langues pour la documentation, pour le paysage linguistique des lieux et pour la communication en ligne. Il s’agissait surtout de mettre au jour les politiques linguistiques en matière de recrutement. Est-ce que les langues font partie intégrante des aspects pris en compte lors de la sélection de candidats ? Si oui, comment ? Et pourquoi ?

Ces deux axes constituent également les fils rouges qui traversent mes recherches plus récentes. Ces dernières ont été effectuées sur d’autres terrains professionnels, allant d’institutions liées à la migration transnationale au milieu universitaire. Actuellement, je mène un projet de recherche[31] qui se focalise sur plusieurs start-ups basées au Luxembourg ou en Lorraine spécialisées dans les métiers de la traduction, de la localisation, du e-marketing, de la création de contenu[32]. À l’instar de mes travaux précédents, ce projet explore à la fois la gestion des langues et du multi-/plurilinguisme dans ces milieux, et les aspects discursifs/sémiotiques au centre des différentes activités de chaque start-up.

Tout comme le tourisme, les start-ups de ce type sont des destinations professionnelles courantes pour des personnes ayant étudié en LEA. Ces enquêtes ont donc une pertinence directe pour les formations en LEA dans le sens où elles visent à décrire de manière fine, et globale, la part langagière du travail dans ces milieux. Il s’agit donc, pour le formuler en termes « LEA », de fournir un éclairage sociolinguistique sur la communication interne – la gestion des langues et du pluri- / multilinguisme dans ce cas précis – et la communication externe – la mobilisation de ressources langagières, discursives et sémiotiques dans les activités de type publicitaire. C’est donc cet éclairage sociolinguistique, et son utilité pour la LEA, que je propose d’aborder dans la suite de cet article, en commençant par la communication externe.

 Aspects sociolinguistiques de la communication externe

La première partie de l’exploration sociolinguistique de la part langagière du travail des milieux professionnels « typiquement LEA » proposée dans cet article aborde la communication externe, c’est-à-dire la communication produite par une entreprise ou une institution pour un public en dehors de l’entreprise ou institution. La communication externe, tout comme la communication interne, constitue un objet de recherche dans de nombreux domaines souvent représentés par des enseignants-chercheurs en LEA : langues (dites) étrangères, sciences de l’information et de la communication, études de management, de gestion, de marketing, etc. L’ensemble de ces disciplines alimente donc, de manière plus ou moins directe, l’enseignement en LEA. En puisant dans certaines de mes recherches précédentes entreprises au sein d’institutions touristiques, je m’attache ici à montrer que la SL peut apporter, de manière complémentaire, sa pierre à l’édifice.

Parmi les différentes activités de communication externe que l’on retrouve dans des contextes touristiques (et plus largement professionnels), je me focalise ici sur la production de textes publicitaires et promotionnels. Il s’agit de déployer des outils sociolinguistiques afin d’analyser la mobilisation de ressources linguistiques et discursives dans la mise en scène d’un (ou de) lieu(x) en tant que « destination » touristique. Autrement dit, nous examinons les éléments linguistiques, discursifs et plus largement sémiotiques qui contribuent aux « opérations de cadrage »[33] impliqués dans la présentation de certains lieux, acteurs, pratiques ou objets de cette manière particulière. La notion goffmanienne de « cadrage » provient de la sociologie mais de nombreux outils ont été développés en SL (et en analyse du discours, convoquée amplement dans ce qui suit) pour explorer le fonctionnement de ce phénomène.

Choix lexicaux

Quand il s’agit de composer un texte publicitaire ou promotionnel, l’une des stratégies discursives à disposition pour le cadrage d’un lieu (ou tout autre « produit ») concerne le choix du lexique utilisé pour le nommer et / ou le décrire. En effet, « la façon de nommer les objets du monde et les personnes oriente bel et bien la conception qu’on s’en fait, de façon consciente ou non »[34]. Bien entendu, dans la majorité des cas de destinations touristiques, les toponymes ne sont pas choisis mais sont préexistants. Il s’agit donc plutôt de se pencher sur les manières dont les institutions touristiques décrivent ces lieux et la manière dont les éléments linguistico-discursifs mobilisés dans ces descriptions contribuent à l’orientation de la conception du lieu. L’exemple ci-dessous, tiré d’un dossier de presse pour la ville de Marseille, fournit un exemple de ce phénomène :

Marseille est le 1er port de croisières de France, 4ème port de Méditerranée

Les champs de l’analyse du discours et de l’argumentation, tous deux voisins de la SL, proposent des outils pointus qui permettent d’explorer les techniques discursives mises en œuvre ici. La phrase ci-dessus joue sur les « maillons » des « chaînes de référence »[35], positionnant les substantifs / groupes nominaux « Marseille » « port de croisières (de France) » et « port de Méditerranée » comme ayant le même référent (c’est-à-dire, faisant référence au même lieu). Cette technique exploite des relations d’anaphore afin d’inscrire le caractère « méditerranéen » (ainsi que « portuaire » et « français ») dans la définition même de « Marseille ». Ce court extrait se présente donc comme une « définition » de la ville de Marseille, ce qui permet un jeu sur le processus discursif de la « désignation » qui vise, d’après Petit[36], à créer une « association occasionnelle » entre une « séquence linguistique » (l’extrait ci-dessus) et un « élément de la réalité́ » (ou, du moins, un élément imaginaire de la réalité́, le caractère « méditerranéen » de la ville). Couplé à l’acte de nomination effectué par l’exploitation des chaînes de références, ce processus de désignation contribue à un « jeu de (re)définitions »[37] qui vise, au fond, l’élaboration d’une « association référentielle durable »[38] entre l’unité lexicale (« Marseille ») et sa « définition » en tant que lieu intrinsèquement « méditerranéen ».

Ces choix lexicaux et procédés discursifs jouent donc sur la « double fonction »[39] du mot – désigner et orienter – et ces unités lexicales particulières ont été sélectionnées car elles confèrent une certaine valeur axiologique[40]. Dans ce cas précis, Marseille est positionnée comme une ville intrinsèquement méditerranéenne (qui, de surcroît, accueille des croisières), ce qui contribue à un cadrage qui lie la ville à une multitude de représentations et imaginaires (positives et désirables) souvent associées à la Méditerranée, et notamment en tant que destination touristique[41]. Autrement dit, cette manière de mobiliser des ressources discursives contribue à la mise en place d’une forme de « description définie » qui contient « à elle seule tout l’argument »[42] : la notion de « Marseille » devient indissociable de la notion de « destination méditerranéenne » ou « escale de croisières »[43]. Quand il s’agit, comme ici, d’attirer les touristes – et surtout des croisiéristes – à Marseille, les avantages d’une telle association – d’un tel cadrage – en termes de promotion et de publicité vont sans dire.

Tropes

L’exemple analysé ci-dessus invite la mobilisation d’une autre notion en SL / analyse du discours, celui de « tropes ». Définis de manière simple, les « tropes »[44] constituent des « figures de style au sein desquelles des mots ne sont pas employés au sens littéral mais où des mots et des phrases fonctionnent de manière symbolique afin d’évoquer certains sens ou idées »[45]. Dans la communication externe, et plus précisément dans des activités de type publicitaire ou promotionnel, les « sens » ou « idées » mobilisés sont typiquement en lien avec des expériences, des émotions et / ou des sentiments qu’une entreprise cherche à évoquer chez les clients de marchés cibles. A titre d’exemple, les tropes de « plaisir », de « passion » ou de « voyage/découverte » sont très souvent mobilisés dans la promotion de produits alimentaires, le trope de « technologie » dans le marketing des véhicules, etc.

En milieu touristique, deux tropes sont quasiment omniprésents dans la communication externe des institutions : authenticité et / ou exotisme[46]. Le sociologue Dean MacCannell[47] avance que les habitants du monde actuel conçoivent le monde de nos jours comme étant « inauthentique », provoquant ainsi la recherche d’authenticité dans d’autres périodes historiques ou dans d’autres cultures ou contextes qui seraient plus « pures », « simples » et ainsi « authentiques ». En tant que touristes, nous cherchons donc des manifestations d’« authenticité » : des lieux, des coutumes, des cultures ou des monuments relevant d’une époque antérieure ou d’un contexte plus simple. MacCannell montre en quoi cette authenticité peut être mise en scène dans la rhétorique du tourisme, et Dann tisse un lien entre cette mise en scène et l’utilisation fréquente de termes tels que « réel », « pur », « authentique », « original », « typique », etc. dans la communication touristique[48].

La notion d’authenticité s’entremêle avec la recherche d’exotisme, c’est-à-dire des expériences qui sortent le touriste de son environnement habituel d’une manière ou d’une autre[49]. Il s’agit donc souvent de la recherche de ce qui ne se trouve pas « chez soi », de ce qui peut être vu comme étant extraordinaire, unique, différent, singulier, etc. Ainsi, les institutions touristiques visent à présenter leurs destinations dans les textes promotionnels de cette manière, se distinguant à la fois d’autres destinations et de la vie quotidienne des touristes (prospectifs).

Les extraits suivants, tirés d’un guide touristique édité par l’Office de Tourisme d’une petite ville rurale qui se trouve dans la partie alsacienne du massif des Vosges[50], constituent des exemples de la mobilisation de ces deux tropes d’authenticité et d’exotisme dans la description de lieux et d’activités touristiques (ici en milieu naturel) :

            Être envoûté par la sérénité des paysages

Écouter le silence et rester muet d’émotion devant la majesté des sapins des Vosges

Se laisser bercer par le clapotis et le murmure des eaux

Ici, une opération de cadrage[51] positionne les lieux naturels (et les activités qui peuvent y être entreprises) comme étant des expériences. Ce cadrage s’opère sur le plan discursif par l’association de syntagmes verbaux (« être envouté », « écouter le silence », « rester muet d’émotion », « se laisser bercer ») aux lieux ou objets qui se trouvent dans les espaces naturels décrits. Plus que comme simples expériences, ces dernières sont positionnées comme émotionnelles et sensorielles, élaborant des sensations à la fois d’exotisme (la « majesté » ou la « sérénité » de ces lieux les rendent uniques et extraordinaires) et d’authenticité (la nature, cadrée ainsi, permet une forme d’évasion du train-train quotidien de la vie de nos jours, une sorte de « retour aux sources »). En mobilisant ces tropes ainsi, l’affect devient une ressource sémiotique, une dynamique courante dans la communication externe au sein du tourisme[52].

L’ensemble des tropes évoqués ci-dessus (authenticité, exotisme, affect, évasion) sont extrêmement récurrents dans la communication touristique. Ils font ainsi partie intégrante de l’élaboration discursive du « regard touristique »[53], c’est-à-dire l’organisation de ce qui est vu, entendu et / ou vécu par les touristes. Les tropes alimentent donc les « imaginaires touristiques » qui réfèrent à « un lieu, aux expériences attendues, espérées ou redoutées sur place – ainsi qu’aux pratiques qu’elles induisent – et aux populations réceptives ou aux autres acteurs locaux »[54]. A cet effet, la mobilisation des tropes constitue un élément central dans les activités publicitaires et promotionnelles en milieu touristique, un aspect-clé de la part langagière du travail dans la communication externe dans ce contexte.

Vers la part langagière du travail en communication externe

La maîtrise de choix lexicaux et la manipulation de tropes constituent donc des compétences a priori centrales aux activités de communication externe en entreprise (touristique, ici). Les activités publicitaires et promotionnelles reposent sur des opérations de cadrage discursif comme celles explorées plus haut. Bien entendu, les exemples abordés supra concernent le tourisme mais le même principe s’applique, avec différents tropes et différents choix lexicaux, à toute forme de communication externe publicitaire ou promotionnelle. Pour cette raison, une capacité à identifier des tropes, et à comprendre avec une granularité fine leur utilisation et les effets qu’ils produisent, serait pertinente pour toute personne étudiant en LEA. Il en va de même pour les mécanismes qui sous-tendent les choix lexicaux. Comme nous l’avons vu ici, certains outils qui proviennent de la SL, de l’analyse du discours et de l’argumentation permettent précisément ce type d’identification et de compréhension. Ainsi, une adaptation, ou application, pédagogique de ces outils pourrait constituer un apport non-négligeable au sein de formations en LEA, aidant les étudiants à mieux saisir la mobilisation de ressources langagières, discursives et sémiotiques dans ces activités professionnelles au cœur de la filière et de ses débouchés. Cela pourrait être effectué, par exemple, par le biais d’activités pédagogiques qui poussent les étudiants à identifier des tropes en jeu dans différentes campagnes de marketing. De telles activités pourraient permettre à leur tour un rapprochement entre des cours dits « de langue » et des matières dites « d’application », tels que le marketing, notamment s’il s’agissait, par exemple, d’identifier les manières dont les « valeurs » d’une entreprise (des tropes par excellence) se manifestent dans la communication externe de cette même entreprise. Bien entendu, une application active de la compréhension du fonctionnement des aspects discursifs est également envisageable dans des activités pratiques qui demandent aux étudiants d’élaborer une stratégie de marketing. Faute de place, il n’est pas possible d’élaborer de manière détaillée ici ces pistes pédagogiques mais ces dernières sont au cœur d’un projet de recherche en cours et feront l’objet d’une publication future.

La gestion des langues et du multilinguisme

Si l’on change de focale et passe de la communication externe à la communication interne, il convient de noter qu’un élément fondamental des dynamiques sociolinguistiques dans un grand nombre de milieux professionnels souvent investis par des personnes diplômées en LEA est la présence importante du multi- / plurilinguisme. La gestion des contacts de langues induits par cette diversité linguistique constitue un sujet étudié depuis longtemps en SL, notamment à travers des travaux abordant les « politiques linguistiques », c’est-à-dire des « ensemble[s] de choix conscients concernant les rapports entre langue(s) et vie sociale »[55]. Les milieux professionnels, que ce soient les entreprises ou des institutions, figurent parmi les terrains abordés en SL dans l’étude des politiques linguistiques[56]. En revanche, malgré leur omniprésence dans ces milieux, les politiques linguistiques n’apparaissent quasiment jamais parmi les objets abordés dans des cours en LEA. Afin d’explorer en quoi une intégration de notions sociolinguistiques relatives aux politiques linguistiques au sein des enseignements en LEA pourrait constituer un apport, j’aborde dans la partie suivante deux aspects de la vie au travail particulièrement concernés par la mise en place de politiques linguistiques : l’embauche de personnels et les pratiques langagières quotidiennes.

La gestion des langues au recrutement

Sur la quasi-totalité des terrains que j’ai pu explorer, le répertoire linguistique d’un individu a été un élément crucial dans le recrutement. Autrement dit, les entreprises ou institutions cherchent – parfois explicitement, parfois de manière tacite – à embaucher des personnes ayant des compétences dans certaines langues, et souvent dans certaines langues bien précises.

Un travail de terrain récent dans deux start-ups luxembourgeoises spécialisées dans la traduction, la localisation et la création de contenu numérique fournit un exemple parlant de ce phénomène. Dans ces deux entreprises, le plurilinguisme constitue un élément quasiment non-négociable à l’embauche, une exigence qui s’applique non seulement aux personnes occupant des postes de « linguiste » (traducteurs, créateurs de contenu, etc.) mais aussi à celles embauchées pour d’autres types de poste (gestion de projet, service client, etc.). Dans la start-up A, les recruteurs exigent trois langues, dont l’anglais (ce dernier étant la seule langue nommée explicitement). Dans la start-up B, les participants à l’étude expliquent que l’entretien d’embauche se déroule en français et/ou en anglais, ce qui sous-entend que ces deux langues constituent des ressources linguistiques nécessaires. Les mêmes participants précisent que toute autre langue additionnelle constitue clairement un atout lors du recrutement. En somme, dans les deux entreprises, le profil linguistique est un élément clef dans la sélection d’employés et c’est l’aspect plurilingue de celui-ci qui est hautement valorisé.

Bien que le plurilinguisme soit valorisé dans l’exemple ci-dessus, il s’agit d’un certain plurilinguisme. Il est clair que, plus une personne compte de langues additionnelles dans son répertoire linguistique, plus sa candidature a de chances à être valorisée. Cela étant dit, les langues additionnelles en question doivent être celles qui sont valorisées au sein des entreprises, à savoir, dans les exemples ci-dessus, surtout l’anglais et le français[57]. J’ai observé des dynamiques similaires lors d’un travail de terrain à l’Office de Tourisme de Marseille (OdT) entre 2012 et 2016[58]. Pendant cette recherche, j’ai identifié une valorisation importante de 10 langues dans la politique linguistique de l’institution[59] : français, anglais, espagnol, allemand, italien, chinois, japonais, coréen, portugais, russe. Cette valorisation se concrétisait à travers leur mobilisation (à des échelles variables) dans la documentation de l’OdT, sur son site web ou au sein de son paysage linguistique. Ces langues figuraient également dans le processus de recrutement des conseillers touristiques, où la politique (linguistique donc) consistait à recruter des personnes capables de renseigner les touristes en français et dans au moins deux langues dites étrangères. Parmi les langues recherchées, le français et l’anglais étaient clairement considérés comme des ressources linguistiques non-négociables pour travailler dans ce milieu (sans doute en rapport avec leurs statuts de langues véhiculaires nationale et internationale respectivement). Au-delà de ces langues, l’OdT cherchait à recruter des personnes parlant au moins une autre langue parmi celles qui figurent dans la liste citée plus haut. Tout comme dans les start-ups, on observe donc la mise en place d’une politique linguistique relative au recrutement qui valorise une certaine forme de plurilinguisme.

Les politiques linguistiques, comme celles identifiées ici, façonnent de manière conséquente la configuration du « marché linguistique »[60] d’une entreprise, d’une institution ou d’un milieu professionnel plus généralement. Au sein d’un marché linguistique, les langues sont conçues comme des ressources dotées d’une valeur symbolique, échangeables contre d’autres formes de capital (un salaire, un statut, du capital culturel, etc.). Sur les marchés linguistiques de l’OdT et des start-ups A et B, certaines formes de plurilinguisme et, surtout, certaines langues précises au sein de ce plurilinguisme, constituent des ressources précieuses. Les langues particulières citées plus haut ont de la valeur sur ces marchés car elles sont toutes vues, pour des raisons diverses, comme utiles, voire indispensables à l’accueil de la clientèle et /ou au travail sur les marchés-cibles de ces entreprises ou institutions. En somme, cette volonté d’accommoder différents marchés-cibles définit la politique linguistique de ces milieux professionnels en matière de recrutement. Les aspects linguistiques sont donc absolument centraux dans la politique de recrutement de ces lieux, il s’agit d’une organisation des ressources humaines sur la base de questions langagières.

Ces dernières observations suggèrent que les marchés linguistiques en milieu professionnel, et les valorisations qui les configurent, sont d’un intérêt capital pour les étudiants en LEA. En effet, ces marchés linguistiques professionnels sont liés de manière intrinsèque aux formations en LEA : le contenu de ces filières est influencé par la configuration des marchés et les étudiants choisissent ces formations afin de se doter des ressources nécessaires pour y accéder. De ce point de vue, les étudiants en LEA sont engagés dans un « investissement langagier »[61] dans le sens où ils consacrent du temps, des efforts et de l’argent à l’apprentissage de (certaines) compétences (principalement) langagières dans l’espoir d’un retour sur cet investissement (par l’obtention d’un poste, d’un salaire intéressant, de capital symbolique, etc.). Mieux saisir les marchés linguistiques (grâce aux outils sociolinguistiques) permet de mieux saisir les investissements requis pour y entrer (et y rester) et les retours sur investissement susceptibles d’être réellement obtenus (ou non). De surcroît, la notion de marché linguistique permet de mieux comprendre non seulement les dynamiques d’embauche mais aussi l’organisation du travail.

La gestion des langues au quotidien

La diversité linguistique qui va de pair avec le multilinguisme présent dans les entreprises et institutions évoquées plus haut génère quasi-inévitablement une gestion des langues quand il s’agit d’organiser le travail. Autrement dit, et pour paraphraser une question devenue « classique » en SL, il faut établir qui parle, en quelle langue, avec qui, et quand[62].

Pour rappel, à la start-up A, au moins trois langues (dont l’anglais) sont exigées à l’embauche. Comme montré par les extraits suivants, tirés d’entretiens effectués sur le terrain, le multi‑/ plurilinguisme qui résulte de cette politique nécessite une certaine gestion, à savoir l’utilisation d’une langue commune (ou véhiculaire) au sein de l’entreprise :

« every person is from a different country, so we need to find a common language that all of us can understand […] to communicate to everyone in a fair way » (SU1_B)

            « tout le monde est censé comprendre ce qui se dit, donc c’est en anglais » (SU1_A)

La langue véhiculaire choisie par la start-up A est l’anglais. Bien que certaines interactions entre collègues aient lieu dans diverses langues, toute activité de communication interne qui pourrait potentiellement concerner l’ensemble des personnels (mails, réunions d’équipe, etc.) doit avoir lieu en anglais. L’anglais devient donc la langue officielle de l’entreprise (de facto mais aussi, au niveau de l’entreprise, quasiment de jure).

Les dynamiques présentes au sein de la start-up B sont très similaires. Dans ce cas de figure, la politique linguistique de l’entreprise demeure implicite mais deux langues jouent un rôle central : le français, pour la communication entre collègues dans les bureaux au Luxembourg, et l’anglais, pour toute communication qui implique potentiellement des personnes ou organisations en dehors du monde francophone. En plus de ces deux langues, les interactions entre clients et employés se déroulent dans la langue du client là où c’est possible (mais ces échanges ont lieu souvent en anglais ou en français également).

Nous observons donc une situation similaire dans les deux entreprises : une valorisation du plurilinguisme à l’embauche mais une réalité de travail beaucoup moins plurilingue qui met en avant le groupe restreint de langues privilégiées lors du recrutement (et notamment l’anglais et le français). Le statut de langue officielle de facto octroyé à l’anglais et / ou au français dans ces contextes explique à la fois l’importance accordée à ces langues lors de l’embauche et leur valeur sur le marché linguistique de ce milieu professionnel. Ainsi, tout comme les politiques linguistiques relatives à l’embauche, les politiques linguistiques qui contribuent à la gestion quotidienne des ressources humaines influencent elles aussi la configuration de la valeur des ressources langagières sur les marchés linguistiques professionnels.

Pouvoir aborder ces thématiques apparaît opportun dans le cadre de formations en LEA dans le sens où le déploiement d’outils analytiques provenant de la SL permet de dénicher des informations détaillées sur les aspects linguistiques de l’organisation du travail dans ces milieux professionnels a priori pertinents pour les étudiants en LEA. Le faisceau de concepts analytiques mobilisé ci-dessus – marché linguistique, investissement langagier, politiques linguistiques, etc. – et les méthodes employées dans leur étude – observations, entretiens, etc. – pourraient être intégrés au sein d’activités pédagogiques. A titre d’exemple, des mini-enquêtes de terrain pourraient être proposées, permettant à chaque étudiant non seulement de rentrer en contact avec un terrain présentant une pertinence directe pour son avenir mais de comprendre de manière fine les enjeux langagiers de ce milieu. Par ailleurs, des exercices de mise-en-situation qui demandent l’élaboration d’une politique linguistique professionnelle pourraient aider les étudiants à mieux saisir les enjeux sociolangagiers de leurs futurs milieux professionnels. Mieux comprendre la configuration des marchés linguistiques de ces milieux professionnels, ainsi que les processus et éléments qui contribuent à cette configuration, c’est mieux comprendre ces milieux professionnels tout court, et cette compréhension constitue l’un des objectifs principaux des enseignements en LEA. Cette compréhension pourrait aussi éclairer l’investissement langagier dans lequel chaque étudiant est engagé, faisant la lumière sur les différentes dynamiques en jeu et permettant un regard critique sur son propre parcours d’apprentissage, les choix qui le façonnent et les « spéculations langagières »[63] qui sous-tendent ces décisions.

Pistes conclusives (et critiques)

Dans cet article, j’espère avoir montré les manières dont certains outils conceptuels et méthodologiques de la SL peuvent être utilisés afin de brosser un tableau de la part langagière du travail dans des milieux professionnels liés à la LEA. Que ce soit par la description détaillée des techniques et stratégies discursives mobilisées dans certaines formes de communication externe promotionnelle ou par l’analyse de la gestion de la diversité linguistique en milieu professionnel, ces outils donnent, par le prisme du langage et des langues, une image détaillée des réalités socio-professionnelles de contextes professionnels souvent investis par des personnes diplômées en LEA. Il semblerait donc que des outils sociolinguistiques auraient toute leur place au sein des dynamiques pluri- / interdisciplinaires qui caractérisent les formations en LEA, outils qui pourraient être (ré)appropriés et exploités dans un cadre pédagogique afin d’aider des étudiants à développer les compétences de communication qui font partie intégrante de leurs avenirs professionnels.

Au-delà d’équiper les étudiants pour (la part langagière de) leurs contextes professionnels, l’intégration d’outils sociolinguistiques au sein de formations LEA pourrait aussi mener au développement d’un regard critique et constructif vis-à-vis de ces contextes (et leur part langagière du travail). La notion de commodification (ou marchandisation), centrale en SL critique, pourrait se révéler fructueuse à cet égard. La marchandisation concerne la transformation symbolique d’un lieu, d’un objet ou de toute autre « ressource » en « produit », vendable et consommable[64]. Dans cet article, nous avons exploré ce processus dans la mobilisation de ressources discursives et sémiotiques dans un exercice de marketing et de persuasion dont l’objectif premier est de vendre des lieux (en tant que destinations touristiques)[65]. Nous avons également vu les manières dont des ressources langagières sont discursivement positionnées, à travers leur valorisation au sein des marchés linguistiques professionnels, comme des marchandises elles-mêmes, des ressources à acquérir et échanger. Au-delà d’une « simple » description de la part langagière de ces différents processus de marchandisation en jeu dans des contextes liés intimement à la LEA, la SL (critique) est très bien équipée pour identifier, analyser et remettre en question les intérêts qui les sous-tendent et les répercussions qu’ils engendrent.

En effet, les deux dynamiques de marchandisation identifiées ci-dessus se trouvent au cœur des formations en LEA – la raison d’être de la filière réside dans l’acquisition des ressources linguistiques précieuses, et des techniques d’argumentation, nécessaires pour certains marchés linguistiques professionnels[66] – et l’outillage de la SL permet également un regard critique vis-à-vis de la filière en elle-même. La SL critique identifie les processus de commodification comme consubstantiels à l’évolution du capitalisme et, ainsi, nécessairement liés à sa production d’inégalités sociales. La question se pose donc : est-ce que, en formant des futurs professionnels aux techniques de marchandisation et en valorisant davantage des ressources linguistiques déjà dotées d’une valeur importante, les filières LEA ne font pas partie du problème ? Et est-ce que l’introduction d’outils sociolinguistiques dans ces formations, avec l’objectif de mieux répondre aux besoins des étudiants, ne creuse pas davantage ces dynamiques inégalitaires ? Autrement dit, l’intégration des outils comme ceux explorés ici dans ces formations, ne travaille-t-elle pas à l’encontre des objectifs même de la SL critique ? Pour véritablement répondre à ces questions, il faudrait aller au-delà de cette première proposition modeste pour une intégration d’outils sociolinguistiques dans les formations en LEA, vers d’autres initiatives pédagogiques, voire de recherche-action. Cependant, à mon sens, il ne faut pas perdre de vue le fait que, pour beaucoup d’étudiants en LEA, l’investissement langagier dans lequel ils sont engagés constitue un passeport qui permet à ces individus d’améliorer leur propre situation dans les inégalités sociales, d’emprunter un ascenseur social, de sortir des ravages du capitalisme[67]. Proposer à ces étudiants des outils qui pourraient faciliter leur navigation du marché du travail constitue donc une dynamique d’empowerment individuel. Or, au-delà de cette dynamique individuelle, ces outils offrent également la possibilité d’une sensibilisation aux effets et répercussions des différents processus de marchandisation, soulignant les intérêts sous-jacents, identifiant les gagnants et les perdants. N’est-ce pas une opportunité d’éveiller un regard critique vis-à-vis de certains contextes professionnels chez des personnes qui en feront prochainement partie ? Certaines de ces personnes se trouveront dans des positions de pouvoir dans ces contextes, n’y a-t-il pas une possibilité qu’une intégration d’outils sociolinguistiques dans leur formation pourrait changer leur regard quand il s’agira de prendre des décisions en lien avec des langues et du langage ? Même si les dynamiques inégalitaires dépassent souvent le seul cadre des langues et du langage, n’y a-t-il pas une possibilité ainsi d’inciter des (tout petits) changements à l’intérieur d’un régime générateur d’inégalités, de discrimination et d’injustice ?

NOTES

[1] E. CROSNIER, « De la contradiction dans la formation en anglais Langue Étrangère Appliquée (LEA) », ASp. la revue du GERAS, no 35-36, Groupe d’étude et de recherche en anglais de spécialité, 1er décembre 2002, p. §4.

[2] D’après une enquête récente, la Licence LEA est la 6ème filière la plus demandée sur la plateforme de vœux universitaires, Parcoursup : https://www.letudiant.fr/etudes/fac/parcoursup-les-licences-les-plus-demandees-en-2022.html [dernière consultation 11/12/2023].

[3] L’expression « la LEA » sera désormais utilisée pour faire référence à la filière LEA.

[4] J. BOUTET, « La part langagière du travail : bilan et évolution », Langage et société, no 98, 2001, p. 17-42.

[5] N. COUPLAND et A. JAWORSKI, « Introduction », dans N. Coupland et A. Jaworski (éd.), Sociolinguistics. A Reader and Coursebook., Basingstoke, Palgrave Macmillan, 1997, p. 1.

[6] La linguistic anthropology actuelle en Amérique du Nord se rapproche plus de la sociolinguistique que l’anthropologie linguistique telle qu’elle est pratiquée en France, d’où l’utilisation du terme anglophone ici.

[7] J. BOUTET et J. COSTA, « Introduction », Langage et société, Hors série, no HS1, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021, p. 11-18.

[8] C. PETITJEAN, « Effets et enjeux de l’interdisciplinarité en sociolinguistique. D’une approche discursive à une conception praxéologique des représentations linguistiques », Travaux neuchâtelois de linguistique, no53, 1er janvier 2011, p. 147-171 ; P. Blanchet, « La sociolinguistique est-elle une “interdiscipline” ? », Travaux neuchâtelois de linguistique, no 53, 1er janvier 2011, p. 13-26 ; C. Mallinson et T. Kendall, « Interdisciplinary Approaches », dans R. Bayley, R. Cameron et C. Lucas (éd.), The Oxford Handbook of Sociolinguistics, Oxford University Press, 2013.

[9] Les traditions francophones et anglophones autour des questions d’interculturalité et / ou de communication interculturelle en SL présentent des différences relativement marquées à de multiples niveaux, d’où la présence des termes, et de références bibliographiques, dans les deux langues ici.

[10] M. RISPAIL et S. WHARTON, « Réalités sociolinguistiques et dimension interculturelle en formation : comparaison entre la Réunion et les Seychelles », Éla. Études de linguistique appliquée, vol. 129, no 1, Klincksieck, 2003, p. 41-52 ; P. BLANCHET et D. COSTE, Regards critiques sur la notion d’interculturalité : Pour une didactique de la pluralité linguistique et culturelle, Paris, Editions L’Harmattan, 2010 ; R. SCOLLON, S. W. SCOLLON et R. H. JONES, Intercultural Communication: A Discourse Approach, John Wiley & Sons, 2012 ; I. PILLER, Intercultural Communication: A Critical Introduction, Edinburgh University Press, 2017.

[11] B. SPOLSKY, Language Policy, s. l., Cambridge University Press, 2004.

[12] C. JUILLARD, « Le plurilinguisme, objet de la sociolinguistique descriptive », Langage et société, vol. 121-122, no 3-4, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2007, p. 235-245.

[13] A. PENNYCOOK, « Mobile times, mobile terms: The trans-super-poly-metro movement », dans N. Coupland (éd.), Sociolinguistics: Theoretical Debates, Cambridge, Cambridge University Press, 2016, p. 201-216.

[14] J. BOUTET, La vie verbale au travail – Des manufactures aux centres d’appels, Premiere Edition, Toulouse, Octares Editions, 2008.

[15] J. HOLMES et M. STUBBE, Power and Politeness in the Workplace: A Sociolinguistic Analysis of Talk at Work, 2e éd., London, Routledge, 2015. Voir aussi le projet « Language in the Workplace » de Te Herenga Waka – Victoria University of Wellington, [https://www.wgtn.ac.nz/lals/centres-and-institutes/language-in-the-workplace].

[16] J. BOUTET, « La part langagière du travail », 2001, op. cit.

[17] J. BOUTET, « La part langagière du travail : théories et analyses », Annuaire de l’EHESS. Comptes rendus des cours et conférences, EHESS, 1er janvier 2007, p. §3.

[18] J. BOUTET, La vie verbale au travail – Des manufactures aux centres d’appels, op. cit.

[19] V. PICCOLI, « ”Puedes hablar italiano” : negotiating plurilingual conversation in an international trade fair », Domínios de Lingu@gem, décembre 2016 [DOI : 10.14393/DL27-v10n4a2016-7  consulté le 30 novembre 2019].

[20] C. THURLOW et A. JAWORSKI, Tourism discourse: language and global mobility., Palgrave Macmillan, 2010.

[21] J. WOYDACK, Linguistic Ethnography of a Multilingual Call Center: London Calling, Palgrave Macmillan, 2019 ; J. Boutet, La vie verbale au travail – Des manufactures aux centres d’appels, op. cit..

[22] F. De MALSCHE et M. VANDENBROUCKE, « Reconstructing over 20 years of language practice, management and ideology at a multinational corporation in Brussels: A scaled socio-historical approach to language policy », Language Policy, vol. 21, no 2, 1er juin 2022, p. 235-259.

[23] voir J. BOUTET, « Enquête », Langage et société, Hors série, no HS1, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021, p. 129-134.

[24] Ibid., p. 130.

[25] P. BLANCHET, La linguistique de terrain. Méthode et théorie. Une approche ethno-sociolinguistique., Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2000.

[26] J. BLOMMAERT et D. JIE, Ethnographic Fieldwork. A Beginner’s Guide., Bristol, Multilingual Matters, 2010.

[27] P. BLANCHET, La linguistique de terrain. Méthode et théorie. Une approche ethno-sociolinguistique., op. cit., p. 30.

[28] M. HELLER, Éléments d’une sociolinguistique critique, Paris, Didier France, 2002, p. 9.

[29] Ibid., p. 10.

[30] C. THURLOW et A. JAWORSKI, Tourism discourse, op. cit..

[31] Projet de recherche Université de Lorraine Émergence/exploratoire Transformations Sociolinguistiques du Travail.

[32] Certains aspects de ce travail constituent une partie d’un projet de recherche mené conjointement avec Séverine Wozniak (voir Wilson & Wozniak, à paraître).

[33] E. GOFFMAN, Frame analysis: an essay on the organization of experience, Harper & Row, 1974.

[34] J. BOUTET, Le pouvoir des mots, 2e édition, Paris, La Dispute, 2016, p. 87.

[35] C. SCHNEDECKER et F. LANDRAGIN, « Les chaînes de référence : présentation », Langages, N° 195, no 3, Armand Colin, 25 septembre 2014, p. 3.

[36] G. PETIT, « Dénomination/désignation », dans P. Charaudeau et D. Maingueneau (éd.), Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil, 2002, p. 163.

[37] R. AMOSSY, L’argumentation dans le discours – 4e éd., 4e édition, Armand Colin, 2021, p. 186.

[38] G. KLEIBER, « Dénomination et relations dénominatives », Langages, vol. 19, no 76, 1984, p. 80.

[39] C. PLANTIN, L’argumentation, Paris, SEUIL, 1996, p. 61.

[40] A. WILSON, « Marchandisation sans frontières : la construction discursive d’espaces touristiques transnationaux en France », Argumentation et Analyse du Discours, no 27, Université de Tel-Aviv, 14 octobre 2021 (DOI : 10.4000/aad.5538  consulté le 22 novembre 2021).

[41] P. O. PONS, M. CRANGet P. TRAVLOU, Cultures of Mass Tourism: Doing the Mediterranean in the Age of Banal Mobilities, Ashgate Publishing, Ltd., 2009.

[42] C. PLANTIN, L’argumentation, op. cit., p. 59.

[43] voir A. WILSON, « Marchandisation sans frontières », op. cit. pour une analyse détaillée.

[44] Cette notion est très proche de celle de « figures » dans la rhétorique traditionnelle ou de « topoï » dans certaines écoles en analyse du discours.

[45] C. OSWICK, L. L. PUTNAM et T. KEENOY, « Tropes, Discourse and Organizing », dans The SAGE Handbook of Organizational Discourse, London, SAGE Publications Ltd, 2004, p. 105 [figures of speech in which words are used in nonliteral ways, that is, words and phrases function symbolically to evoke meanings and ideas].

[46] voir C. THURLOW et A. JAWORSKI, Tourism discourse, op. cit.

[47] The Tourist: A New Theory of the Leisure Class, University of California Press, 1976.

[48] The Language of Tourism: A Sociolinguistic Perspective, s. l., CABI, 1996

[49] C. THURLOW et A. JAWORSKI, Tourism discourse, op. cit.

[50] La ville n’est pas nommée ici afin de protéger l’anonymat des participants à l’étude.

[51] E. GOFFMAN, Frame analysis, op. cit.

[52] R. VITORIO, « Language, affect, and carnivalesque: tourism encounters and transgressive narratives on a party island », Social Semiotics, vol. 31, no 5, Routledge, 20 octobre 2021, p. 773-787.

[53] J. URRY, The Tourist Gaze, s. l., SAGE, 1990 ?

[54] M. GRAVARI-BARBAS et N. GRABUM, « Imaginaires touristiques », Via . Tourism Review, no 1, Association Via@, 16 mars 2012, p. §14 [http://journals.openedition.org/viatourism/1178 ; consulté le 28 février 2021].

[55] L.-J. CALVET, « Politique linguistique », Langage et société, Hors série, no HS1, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021, p. 275.

[56] A. DUCHENE et M. HELLER, « Language policy in the workplace », dans B. Spolsky (éd.), The Cambridge Handbook of Language Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 323-334.

[57] Même si d’autres langues sont valorisées lors du recrutement (notamment l’espagnol, l’allemand et l’italien), l’anglais et le français sont les seules langues mentionnées systématiquement quand il s’agit d’identifier les exigences linguistiques qui accompagnent la recherche de nouveaux personnels.

[58] A. WILSON, Dynamiques sociolinguistiques de la globalisation : l’exemple de l’Office du Tourisme de Marseille, Aix-Marseille Université, 2016.

[59] A. WILSON, « La production et la performance d’une identité linguistique dans les institutions touristiques marseillaises », dans Identités, conflits et interventions sociolinguistiques, Actes du 3e congrès du Réseau francophone de Sociolinguistique, Montpellier, 14-16 juin 2017, Limoges, Lambert-Lucas, 2018, p. 77-84.

[60] P. BOURDIEU, Ce que parler veut dire: L’économie des échanges linguistiques, Fayard, 1982.

[61] A. DUCHENE, « Investissement langagier et économie politique », Langage et société, no 157, 29 août 2016, p. 73-96.

[62] J. A. FISHMAN, « Who Speaks What Language to Whom and When? », La Linguistique, vol. 1, no 2, 1965, p. 67-88.

[63] A. DUCHENE et M. DAVELUY, « Présentation : spéculations langagières : négocier des ressources aux valeurs fluctuantes », Anthropologie et Sociétés, vol. 39, no 3, 2015, p. 9-27.

[64] M. HELLER, « The Commodification of Language », Annual Review of Anthropology, vol. 39, no 1, 2010, p. 101-114.

[65] Voir A. WILSON, « Marchandisation sans frontières », op. cit. ; A. WILSON, « The Force of Nature: The Semiotic Foregrounding of Nature in Post-Lockdown Tourist Place Branding in Rural Alsace », Sociolinguistic Studies, vol. 16, no 2, 2022, p. 525-545 pour des analyses détaillées des exemples utilisés dans cet article en lien avec la notion de commodification/marchandisation.

[66] Du moins, il s’agit d’une promesse centrale dans la promotion de ces filières.

[67] Crosnier décrit la perception de la LEA comme une « filière localisée dans un établissement peu favorable » et du public cible de LEA comme suit : « [l]’accès s’effectuait souvent par défaut ou par hasard, attirant des jeunes sans projet professionnel défini ni goût particulier pour l’aventure » E. CROSNIER, « De la contradiction dans la formation en anglais Langue Étrangère Appliquée (LEA) », op. cit., p. §4.

 

 

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Auteurs

 

Adam WILSON,

Université de Lorraine, InterDisciplinarité dans les Etudes Anglophones (IDEA), UR 2338

adam.wilson @ université-lorraine.fr

 

 

Références

Pour citer cet article :

Adam WILSON - "Adam WILSON, Deux faces d’une même pièce ? Vers des passerelles entre la sociolinguistique et les langues étrangères appliquées" RILEA | 2023, mis en ligne le 19/12/2023. URL : https://anlea.org/revues_rilea/adam-wilson-deux-faces-dune-meme-piece-vers-des-passerelles-entre-la-sociolinguistique-et-les-langues-etrangeres-appliquees/