Carmela MALTONE, dir., Inégalités, défis et perspectives dans neuf pays du monde

Carmela MALTONE, dir., Inégalités, défis et perspectives dans neuf pays du monde, Saint Etienne, PU St Etienne, 2024, 186 pages, ISBN-10 2862727873, ISBN-13 978-2862727875, 18€.

Le travail des femmes : Inégalités, défis et perspectives dans neuf pays du monde, sous la direction de Carmela Maltone, présente les recherches menées par les universitaires bordelaises, chacune spécialiste d’une aire culturelle spécifique et autour de la même thématique : les femmes sur le marché du travail. La directrice de l’ouvrage présente celui-ci dans l’introduction comme un tour d’horizon de la condition de la femme dans le monde du travail dans neuf pays face aux défis du XXe siècle que sont la mondialisation, la crise économique et le changement climatique.

Les contributions sont dans l’ensemble très cohérentes et axées sur les mêmes thématiques centrales de la place de la femme sur le marché du travail dans les pays concernés. Elles traitent des questions liées à l’embauche, au chômage, à la précarité et aux conditions de travail. Nombreuses sont celles qui étudient la question de la qualité du travail également. Force est de constater que malgré les progrès en matière d’égalité hommes-femmes sur le marché du travail au XXe siècle, nous avons assisté au XXIe siècle à une stagnation ou même un recul des droits des femmes sur le marché du travail.

 La directrice du numéro note également dans l’introduction que selon une étude de l’ONU, dans 116 pays moins de la moitié des femmes âgées bénéficient d’une pension de retraite même si nous assistons au XXe siècle à une entrée massive des femmes sur le marché du travail. Les contributions soulignent que malgré cette évolution, les femmes continuent de souffrir des inégalités de salaires dans tous les pays représentés dans l’ouvrage sans exception. Les femmes restent majoritairement en charge des tâches domestiques non rémunérées à la maison et responsables de l’éducation des enfants. Cette tendance se confirme notamment dans les pays d’Asie (la Chine et le Japon) mais les pays d’Europe de l’Est et les Etats-Unis ne sont pas épargnés par ce déséquilibre pour autant. Les questions de harcèlement, dont les femmes sont majoritairement victimes, sont également soulignées dans de nombreuses contributions de cet ouvrage. Il est toutefois possible de percevoir un changement d’attitude au XXIe siècle grâce à la vague MeToo. Le mouvement a mis en lumière les propos sexistes et le harcèlement des femmes y compris sur le marché du travail sans pour autant enrayer ce problème.

Par ailleurs, l’augmentation du nombre de femmes scolarisées, y compris à des niveaux d’études supérieurs, est un progrès indéniable qui s’est traduit par un plus grand nombre de femmes dans les postes à responsabilités, notamment dans les pays développés. Toujours est-il que les femmes continuent de souffrir de deux phénomènes : la ségrégation horizontale et la ségrégation verticale. La ségrégation horizontale fait référence à la surreprésentation des femmes dans certains emplois (notamment les emplois à la personne, la santé et l’éducation)  souvent mal rémunérés ou dans les secteurs moins compétitifs et la ségrégation verticale décrit le phénomène selon lequel les femmes peinent à être représentées dans les postes à responsabilités ou à la direction des entreprises. La plupart des contributions confirment la persistance d’une telle ségrégation et le problème pour de nombreuses femmes qui se heurtent au « plafond de verre ».

La contribution de Valérie Lacoste-Mary sur la France est consacrée à la question du droit du travail et de l’impact sur l’égalité des femmes. Elle note que le XXIe siècle a été très important pour le droit des femmes sur le marché du travail, toutefois, elle souligne que le principe d’égalité ne permet pas une réelle égalité dans les faits (au niveau du salaire ou du poste de responsabilité). Le chapitre de Carmela Maltone, qui met en lumière la situation en Italie, constate une vraie évolution de l’entrée des femmes sur le marché du travail ainsi qu’une progression au niveau de l’égalité des revenus. Malgré des progrès, l’Italie reste cependant en dessous de la moyenne de l’UE en termes de population active féminine et l’insertion professionnelle des femmes est très marquée par un contraste au niveau du pays avec une forte progression dans le taux d’activité féminine dans le nord du pays notamment. Ensuite le Portugal est examiné par Silvia Amorim. Dans ce pays, malgré un taux d’activité plus élevé que la moyenne européenne (72,1%), les salaires ne suivent pas, une grande partie des travailleuses percevant de bas salaires. Le chapitre de Mélanie Moreau-Lebert sur Cuba dresse un portrait contrasté des progrès des femmes sur le marché du travail dans ce pays. Les emplois féminins sont concentrés dans des secteurs peu qualifiés et peu rémunérés tels que la restauration, la couture ou la coiffure et cela malgré le fait que 60% de cubaines soient diplômées d’université. La situation des femmes au travail aux Etats-Unis décrite dans le chapitre de Patricia Sibella constate un écart entre les femmes diplômées et les non diplômées. Ces dernières n’ont pas pu bénéficier de certaines avancées au cours de XXème siècle dans ce pays. C’est également cette catégorie de femmes qui est moins présente sur le marché du travail. Olga Gille Belova, quant à elle, examine la situation des femmes au travail en Russie avec une comparaison des changements au XXe siècle avant et après l’Union Soviétique. Depuis la chute de l’Union soviétique, l’augmentation du chômage et les difficultés de prise en charge de la petite enfance n’ont pas pour autant mené à un retrait du marché du travail des femmes comme autrefois anticipé. Mais les femmes restent toujours concentrées dans les secteurs à salaire relativement faible. La contribution de Marie-Hélène Avril sur l’Egypte se distingue des autres chapitres car il s’agit de la représentation des femmes dans la fiction. Toujours est-il que l’analyse de deux livres sur la représentation de la femme dans le roman égyptien, nous permet de comprendre l’évolution de la situation de la femme dans ce pays. Le chapitre consacré au Japon de Christine Lévy souligne que la volonté d’augmenter la participation des femmes sur le marché du travail japonais du gouvernement Abe a porté ses fruits car les femmes sont désormais plus présentes sur le marché du travail. Toutefois, il ne s’agit pas, dans la plupart des cas, de postes à responsabilité. Ces emplois féminins sont souvent précaires et/ou à mi-temps. En ce qui concerne la Chine, Laëtitia Nadaud souligne un certain recul de la condition féminine dans ce pays à partir de l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1978. Ce dernier a encouragé la femme à retourner au foyer. Les femmes investissent toutefois le marché du travail mais souffrent de discriminations (avec un taux de harcèlement sexuel estimé à 70%).

Cet ouvrage nous offre ainsi un bel aperçu de la condition de la femme dans le monde du travail. Le choix des pays est pertinent, permettant de comprendre les conditions dans les pays développés et en développement. Nous notons aussi une présentation très cohérente et un livre qui peut servir de guide de référence pour comprendre les enjeux du marché du travail pour les chercheurs, les étudiants et mêmes les praticiens. La question d’intersectionnalité est toutefois moins abordée même si certains chapitres font la lumière sur la question des migrants femmes. On regrette aussi que les questions sur la discrimination liée à l’âge soient rarement abordées. Enfin, afin d’attirer l’attention des décideurs politiques, les réponses aux questions d’inégalités des femmes constatées dans ces chapitres en termes de mesures de l’Etat ou au niveau de l’entreprise auraient toute leur place en fin d’analyse et auraient donc pu être davantage développées. Toutefois, cela n’enlève rien à cet ouvrage perspicace et cohérent.

Sorbonne Université, HDEA EA 4086,

louise.dalingwater @ sorbonne-universite.fr

https://orcid.org/0000-0002-4798-5332.